Développement durable

Les vagues du mondial

Julien Brun / Publié le 07:55 12.12.2022 | 03 min


Jamais un événement sportif n'avait suscité autant de critiques. Pourtant en 2010, l’idée avait de quoi plaire; le premier mondial organisé par un pays arabe. On se souvient encore de la voix fluette et chantante de Zizou expliquant “que c’est le moment pour le Moyen-Orient d'accueillir la Coupe du monde” et d’ajouter que “le foot appartient à tout le monde”. Poétique écume camouflant “tout le monde, sauf les migrants, les femmes et les homosexuels”.

Évidemment, depuis plusieurs décennies, la FIFA essaie de confier son organisation aux pays émergents qui sont de grandes nations du ballon rond. On se souvient du Brésil en 2014 (hôte ô combien symbolique qui l’attendait depuis 1950) mais surtout de l'Afrique du Sud en 2010 (unique pays d’un continent amoureux du foot à pouvoir l'orchestrer). Dans la mesure ou un événement d’une telle ampleur requiert des garanties à la fois financières, sécuritaires et politiques, quel autre pays du monde arabe aurait pu l’organiser? Aucun! Mais les symboles d'ouverture et de main tendue ne se sont-ils pas noyés dans les bonnes intentions, si ce n’est dans la corruption?

Assurément, le Qatar a réalisé des réformes saluées par l’Organisation Internationale du Travail et la Confédération des Syndicats telles que l’abandon du système Kafala (tutorat et confiscation des passeports des travailleurs), l’instauration d’un salaire minimum ou encore l’interdiction du travail sur chantier de 10h à 15h30 (dans la saison la plus chaude). Mais ces réformes échouent si tardivement, qu’elles relèvent certainement moins des cahiers des charges de la FIFA que des pressions internationales découvrant le sort des migrants Pakistanais, Népalais, Bangladais et Sri-Lankais.

Indubitablement, le règlement de la FIFA interdit de faire de la politique sur les terrains. Mais le monde occidental, qui se réveille douze années après l’attribution, espère que ces joueurs, qui jadis le genou à terre manifestaient contre le racisme, vont se faire les relais de notre mécontentement. L’équipe d’Angleterre avait d'ailleurs préparé son geste depuis longtemps et six autres équipes devaient lui emboîter le pas en portant un brassard arc-en-ciel en appui à la communauté LGBT. Mais dans ce pays où on envoie les homosexuels en prison, on fait aussi échouer toute expression de solidarité, qu’il s’agisse des sportifs (avec la complicité de la FIFA qui menace de cartons la désobéissance) mais aussi des supporters (qui se voient refuser l’entrée de stade). Il faudra donc que la FIFA nous explique pourquoi le racisme n’est pas un sujet politique.

Si on peut reprocher aux joueurs leur manque de cohérence dans les causes qu’ils défendent, on ne saurait néanmoins les prendre en otage. Un joueur, ça joue, un philosophe pense et un politique décide; à charge de nos décideurs d’avoir la cohérence de leurs actions!

Ce mondial au milieu du désert, inondé à flots de milliards, restera le plus cher de l’histoire. Une Histoire qui retiendra qu’un petit émirat gazier, en dépensant plus de 200 milliard de dollars, aura acheté notre courage, nos valeurs et notre silence.