Mobilité

La Mobilité, cette pierre de Sisyphe

Julien Brun / Publié le 14:30 16.02.2023


Le logement et la mobilité sont les deux pierres de Sisyphe que le Luxembourg roule depuis plus de 20 ans. L’une grossissant d’un immobilier de moins en moins accessible, l’autre d’une congestion croissante des axes de transport. Il serait injuste ou démagogique de dire que rien n’est fait, tant les plans nationaux pour la mobilité se succèdent. Rien que pour 2023, le budget destiné à la gratuité des transports publics s’élève à 800 millions d’euros (contre 700 millions en 2022) et les dépenses consacrées à la mobilité et aux travaux publics à presque 3 milliards.

Au temps où l’on vivait encore au rythme des cycles d’une nature que nous n’avions pas totalement quittée, nous habitions à proximité de nos lieux de travail. Désormais, Luxembourg-Ville est l’épicentre rayonnant du crescendo des prix de l’immobilier et il faut se lever de plus loin pour venir y travailler. Outre frontière, la course-échappatoire aux maigres salaires impose un autre métronome, celui du «métro-boulot-dodo». C’est ainsi que plongés dans les petits cafés matinaux rapidement avalés, les regards encore embués du réveil ont la morne lueur d’un quotidien commençant et finissant par une même torture: le trajet. Quitter son chez-soi dans la pénombre matinale pour ne le retrouver que dans l’obscurité des nuits gelées.

"Sur le chemin du retour, alors que le petit est déjà sous la couette du sommeil, le parent absent s'interroge: combien vaut mon baiser du soir?"

JB

En voiture, lourd d’un budget considérable, ce sont d’interminables embouteillages et toujours plus d’accidents; en train, des retards sur les lignes, des rames pleines à craquer et des abonnements belges et français qui, au regard de la gratuité des transports publics au Luxembourg, s’apparentent à de l’extorsion. Toujours est-il que l’heure et demie matinale additionnée à celle du soir font parfois trois heures de trajet par jour pour des frontaliers employés du secteur privé. Pour rappel, 73,5% des salariés n’ont pas la nationalité luxembourgeoise et près de la moitié (46,7%) sont frontaliers. De fait, ce sont des moments en moins pour les loisirs et la famille. Sur le chemin du retour, alors que le petit est déjà sous la couette du sommeil, le parent absent s'interroge: combien vaut mon baiser du soir?

L’épineuse question de la mobilité des frontaliers est peu considérée. D’un côté et sans pouvoir législatif, ils entendent: «De quoi se plaignent-ils puisqu’ils gagnent plus que chez eux. Voyez avec vos élus locaux» et de l’autre, sans considération: «Vous gagnez plus que nous et êtes un manque à gagner pour les collectivités locales». Ils sont comme bloqués dans des zones géographiques en manque d’infrastructures. Les résidents, un peu mieux lotis en termes de temps de trajet, subissent néanmoins l'intranquillité des nuisances sonores et de la pollution.

"[...] avec une croissance du PIB entre 2 et 4%, le Luxembourg s’attend déjà à 40% de demandes de mobilité supplémentaires d’ici 2035."

JB

Les projets sont certes nombreux avec l’aménagement du territoire qui favorise une décentralisation des emplois, les bureaux satellites ou de coworking, la flexibilité du temps de travail, les nouvelles lignes de Tram et les nouveaux P+R. Mais avec une croissance du PIB entre 2 et 4%, le Luxembourg s’attend déjà à 40% de demandes de mobilité supplémentaires d’ici 2035. On se demande dès lors si le Plan national de mobilité (PNM 2035) suffira à la décongestion de nos préludes et épilogues quotidiens?

Édito