IT & Nouvelles technologies

Pour une éthique de l'innovation

Julien Brun / Publié le 07:34 06.05.2024


Véritable bête noire des prof. de français, ChatGPT est partout; dans les copies des élèves, les posts Linkedin, les textes des chansons du Top 50 et peut-être déjà dans les discours de nos politiques… L’IA est donc une réalité qui nous fascine autant qu’elle nous inquiète.

Notre émerveillement remonte au canard artificiel de Vaucanson (1738) et aux autres automates de l’Antiquité. Notre angoisse, elle, s’explique par l’omniprésence du bruit médiatique y référent mais aussi parce que l’Homme a toujours eu peur que ses créations le dépassent. On pense à "Terminator", "Frankenstein" mais aussi au "Meilleur des mondes" d’Huxley et à la bombe atomique.

Mais si on sait clairement définir ce qu’est l’artifice, qu’en est-il de l’intelligence? Selon le dictionnaire, c’est la capacité de penser, raisonner et percevoir le monde qui nous entoure. Pour mettre cette altérité en musique, l’Homme utilise l’une de ses singularités qui est le langage. L’être humain utilise donc la parole, l’écriture et les mathématiques comme des outils pour créer l’architecture de sa pensée.

L’IA, et notamment celle qui génère du texte, de l’image ou de la voix, reproduit l’outil mais est loin de pouvoir penser. Il suffit pour s’en convaincre de poser une question philosophique à ChatGPT. La machine va résumer toutes les théories existantes puis va en faire trois parties de la même taille. Le hic, c’est qu’elle ne fait jamais de problématique et n'interroge donc pas le sujet en lui-même. La machine est incapable de réaliser ce pas de côté dans la réflexion; ce mouvement intellectuel essentiel à toute pensée lui est étranger.

Ainsi, depuis les travaux de Turing et de Mc Carthy dans les années 50, et malgré ses cent millions d’utilisateurs en cinq jours, ChatGPT n’est pas une révolution mais une simple évolution. Mais si les IA que nous connaissons aujourd’hui restent étroites ou faibles, l’objectif des géants de la Silicon Valley est d’aboutir à des intelligences artificielles générales dotées d’une conscience. Nous sommes à un moment analogue à celui de Léonard de Vinci qui dessine son hélice volante sans imaginer encore l’avion à réaction.

Le danger est moins dans les IA que dans notre propre passivité! Une passivité devant les algorithmes qui nous enferment dans nos désirs et une passivité législative et politique qui peine à mettre un cadre éthique et moral à l’innovation.

Édito